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Embarquement en Equateur
15 juin 2007

Baños, vendredi 15 juin 2007

Des volcans et du vent

   Au sud de Quito dans la Sierra centrale s'étend une région surnommée l'avenue des volcans. De part et d'autre de la route panaméricaine qui parcourt le pays se dressent des cônes imposants, la plupart inactifs. Les sommets culminent bien sûr très haut : 4700, 5100, 5200 m entre autres ; jusqu'à 5897 m pour le Cotopaxi, deuxième plus haut sommet d'Equateur et 6310 m pour le volcan Chimborazo, le plus haut du pays.

   Particularité intéressante pour ceux qui aiment la montagne, ces deux derniers sommets ne sont pas très difficiles à gravir. Cela demande bien sûr de l'équipement d'alpinisme pour marcher sur la glace mais les montées ne présentent pas de difficulté technique : ce n'est que de la randonnée, il n'y a rien à escalader...

   Nous avons été initiés à la montagne par nos copains de promo savoyards. D'abord en effectuant de simples randonnées d'une journée, puis en se lançant dans des treks de plusieurs jours et enfin en s'essayant à l'alpinisme (randonnée sur la mer de glace à Chamonix, ascension du Mont-Blanc pour Clément et du dôme des Ecrins pour tous les deux).

   Ces expériences sur glaciers nous ont beaucoup plu ; c'est pourquoi nous avons décidé d'essayer de gravir un des hauts sommets équatoriens. Notre choix s'est porté sur le volcan Cotopaxi. C'est un des grands classiques du pays, proposé aux débutants.

   Nous avons réservé les dates des 12 et 13 juin dans une agence de Quito pour effectuer l'ascension. Pour nous préparer, il faut surtout nous acclimater aux hautes altitudes. Pour cela, notre circuit à Quilotoa était parfait. Nous sommes restés entre 3200 et 4100 m pendant quatre jours et nous avons beaucoup marché.

   De retour à Latacunga, à la fin de notre boucle, nous remontons environ 50 km plus au nord pour loger dans un hôtel géré par l'agence qui nous a vendu l'excursion au Cotopaxi. Cette vieille ferme retapée, située au calme à 3200 m d'altitude, où chevaux, vaches, moutons, chiens-mangeurs-de-chaussettes, cochons et j'en passe vivent tranquillement, est très bien située pour continuer à s'acclimater. Nous sommes proches du Cotopaxi et d'autres montagnes comme les Ilinizas Norte et Sur, culminant respectivement à 5126 et 5248 m. L'Iliniza Norte nous intéresse particulièrement car il est beau, facile à gravir même sans guide et qu'il dépasse les 5000 m : c'est excellent pour nous entraîner.

   Carte en poche, nourriture et vêtements chauds dans les sacs nous partons le dimanche 10 juin au matin à l'assaut de cette montagne. Nous pourrions monter et redescendre dans la journée car il n'y a que cinq heures jusqu'au sommet (le parking où l'on se fait déposer est déjà à 3900 m !) mais nous préférons rester deux jours et dormir dans un refuge situé à 4600 m, là encore pour nous habituer à l'altitude et éviter le mal des montagnes pendant l'ascension du Cotopaxi.

   Un taxi nous laisse au départ du sentier : en sortant de la voiture, le vent nous saisit. Il souffle fort et il fait froid. Pas étonnant, nous sommes déjà très haut. Heureusement nous sommes bien équipés, nos blousons sont de bonne qualité et nous avons acheté des bonnets la veille.

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   Les nuages accrochent les montagnes aujourd'hui mais les paysages sont quand même très jolis le long du chemin. A force de monter, nous finissons bien sûr dans le brouillard mais pas de problème, le sentier est très bien tracé. Nous serons juste surpris de tomber nez à nez avec le refuge au bout de deux heures trois quarts : la visibilité réduite nous le fait découvrir au dernier moment.

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   Le confort à l'intérieur est sommaire, évidemment. Rien n'est superflu : des lits superposés, quelques tabourets, une cuisine avec gazinière (qui fonctionne), des toilettes à l'extérieur et c'est tout.

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   Ce qui nous surprend plus, c'est de ne trouver personne, même pas le gardien : il arrivera sans doute plus tard. Dehors, le vent souffle toujours aussi fort et à l'intérieur, il ne fait vraiment vraiment pas chaud. Il est 13h30, et nous nous glissons dans nos sacs de couchage pour nous réchauffer après notre repas. L'après-midi ne sera pas très active ; de toute façon il n'y a rien à faire dehors, le temps est toujours aussi pourri. On espère juste qu'il fera beau le lendemain matin et nous nous amusons d'être seuls dans un lieu aussi improbable en écoutant le bruit du vent. Nous lisons tranquillement, en attendant une éclaircie ou l'arrivée d'autres randonneurs ou du gardien.

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   L'éclaircie, nous l'aurons, juste avant le coucher du soleil. Le panorama est superbe, surtout quand on l'a attendu si longtemps. On distingue même, au loin, au-dessus des nuages, le sommet du Cotopaxi, notre objectif suivant !

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   Après le dîner, tout le monde au lit à 19h ! Et oui, il n'y a pas d'électricité même s'il y a des ampoules au plafond. Nous nous couchons en écoutant de la musique grâce à nos baladeurs, nous avons bien fait de les emmener. Tout à coup, vers 20h, la porte s'ouvre. Le gardien ? Et non, c'est une Américaine qui débarque alors qu'il fait nuit depuis un bon moment, lampe frontale sur la tête, frigorifiée évidemment, en nous racontant qu'elle a laissé un sac dans la montée car elle n'en pouvait plus. Elle comptait s'arrêter camper en route (alors qu'elle n'a pas de tente) mais le vent l'a poussée à continuer. Elle n'a pas de sac de couchage, porte sur elle plusieurs ponchos qu'elle avait achetés en souvenir pour se protéger du froid et a mal à la tête à cause de l'altitude car elle a passé les jours précédants au niveau de la mer. N'importe quoi !

   Nous lui indiquons comment fonctionne la gazinière et nous lui passons une couverture qui traînait dans le refuge pour qu'elle puisse se couvrir pendant la nuit et nous nous endormons, encore stupéfaits par cette apparition. Nous nous levons le lendemain pour le lever du soleil. Cette fois c'est l'Américaine qui hallucine que nous nous levions si tôt ; en même temps quand on s'est couché à 19h... Et puis en montagne, se lever avec le jour c'est déjà faire la grasse matinée ! En plus, le ciel est dégagé, l'Iliniza Norte nous tend les bras, il faut en profiter.

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   La vision de la veille se confirme : nous ne pourrons pas aller jusqu'au sommet car il y a beaucoup de neige sur la montagne et nous n'avons pas l'équipement nécessaire. C'est surprenant car en cette saison, on ne devrait pas en trouver autant. Nous nous mettons quand même en route et nous montons en un peu plus d'une heure à un des pics qui n'est pas enneigé. C'est satisfaisant, nous sommes arrivés à 5000 m facilement, mais les nuages sont de nouveau de la partie et nous empêchent de voir le panorama... Nous retournons donc rapidement au refuge pour récupérer ce que nous y avions laissé et nous descendons au village le plus proche pour prendre un bus. En chemin, nous rattrapons l'Américaine qui a retrouvé son sac abandonné dans la montée et qui nous assure ne pas avoir eu trop froid pendant la nuit. Le propriétaire du refuge vient aussi à notre rencontre pour nous faire payer la nuit. Le dimanche, il n'y a pas de gardien là-haut mais ce n'est pas pour autant qu'on peut s'en tirer sans payer !

   De retour à notre hôtel, le matériel pour l'expédition au Cotopaxi nous attend. C'est séance essayage. Visiblement, l'équipement n'existe que dans une seule taille, déjà un peu grande pour Clément alors Florence disparaît presque dedans. Et puis les couleurs ne sont pas forcément très harmonieuses mais les vêtements ont l'air chauds et solides, c'est ce qui compte...

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   Le mardi matin vers 10h, notre guide arrive à l'hôtel. Il s'appelle Fernando, il est diplômé de l'école équatorienne des guides de montagne, qui est chapeautée, le monde est petit, par l'ENSA de Chamonix. Les instructeurs équatoriens sont formés à Chamonix et des Français viennent faire passer des examens et donner des conférences régulièrement...

   Vers 10h30, tout le monde en voiture, c'est parti pour l'aventure. Là encore, la marche d'approche jusqu'au refuge est limitée. A peine une petite heure pour arriver à 4800m. Il ne fait pas très beau mais cela ne préjuge rien pour le lendemain. Nous déjeunons dans ce refuge, plus grand et mieux équipé que celui des Ilinizas, et nous buvons beaucoup de thé : il faut bien s'hydrater pour l'effort à venir. D'autres groupes arrivent tranquillement pendant que nous procédons au réglage des crampons et que Fernando nous fait un petit briefing.

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   Comme toujours dans ce type d'ascension, nous allons partir en pleine nuit, éclairés par nos lampes frontales. Il faut cela pour éviter de marcher sur de la neige trop molle et donc dangereuse. En fonction des conditions météo et de notre forme, nous devrions atteindre le sommet en 5 à 6 h.

   L'important pour l'instant, c'est de se reposer : après un dîner vers 17h30, nous partons nous coucher pour essayer de dormir un peu. Ce qui n'est pas facile. Le chambrée abrite évidemment le ronfleur de service (il s'y met vers 19h) : non seulement il nous empêche de dormir mais en plus il nous nargue car lui, il arrive à dormir. Il y a en plus beaucoup de passages dans ce dortoir immense, notamment à cause de ceux qui monteront le jour d'après et qui n'ont pas de raison de se coucher tôt (eux aussi on les maudit du fond de notre sac de couchage). Ajoutez à cela l'excitation et vous comprenez que la nuit est courte.

   A minuit, branle-bas de combat, c'est l'heure du petit-déjeuner. On s'habille rapidement et l'on descend avaler quelques morceaux de pain et du thé. A 1h du matin, nous sommes dehors, prêts pour affronter la montagne et Florence et Fernando posent devant le refuge.

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   Il a beaucoup neigé pendant la nuit mais la vue est dégagée ! Le ciel étoilé est magnifique et au loin on aperçoit les lumières de Quito. Cela réconforte : on a peut-être bien fait de se lever si tôt... Il ne fait pas très froid mais le vent est assez fort.

   Nous marchons une demi-heure pour arriver au pied du glacier. Là nous nous équipons : chacun met ses crampons à ses chaussures et Fernando nous encorde. Ca y est, c'est parti, nous posons les pieds sur la glace. La pente est très rapidement forte, c'est assez étonnant comparé à nos autres randonnées glacières : il n'y a pratiquement pas de pause, de moment où l'inclinaison est moins importante. Il est difficile de voir où nous allons dans le noir, difficile de savoir ce que sera le terrain sous nos pieds dans dix minutes. En levant la tête on voit juste une étoile, qui semble incroyablement proche et située au bout du glacier : voilà notre objectif ! C'est évidemment une illusion d'optique mais c'est assez saisissant et, sans en avoir parlé en cours de route, nous partagerons cette impression après l'ascension.

   Les minutes puis les heures passent au rythme de notre marche. Nous n'allons pas très vite mais c'est normal : l'important c'est d'avancer de manière constante, c'est un travail d'endurance pure. Lors d'une pause vers 4h30, petit incident : en changeant les piles de sa frontale, Clément perd un morceau de la lampe. Trois minutes plus tard en remettant son sac sur le dos, il laisse échapper un de ses gants : il n'y a rien à faire pour le rattraper, entre la forte pente et le vent, le gant part très vite. Quand on est maladroit, ça ne s'arrange pas à plus de 5000 m d'altitude ! Nous avons des sous-gants en polaire mais il faudra protéger la main du froid en la cachant dans la manche pour la suite.

   L'influence du vent se fait de plus en plus sentir. Plus on monte, plus il est fort bien sûr. Non seulement il s'oppose à notre avancée mais en plus il soulève la neige et nous l'envoie dans les yeux. Au bout d'un moment, face à cet ennemi, on finit par "débrancher le cerveau" : on baisse la tête et on pense juste à mettre un pied devant l'autre. De toute façon le ciel s'est couvert au-dessus de nous, notre étoile a disparu...

   Le jour finit par se lever mais il ne fait que confirmer ce que nous sentions : la météo n'est pas avec nous. Nous voyons un groupe qui était devant nous faire demi-tour. Comme nous nous sentons toujours très bien physiquement, notre guide décide de continuer, le temps pouvant encore s'améliorer. Nous avançons encore une bonne demi-heure jusqu'à un replat où, surprise, une tente est montée ! Fernando nous explique que ce sont deux scientifiques venus faire une étude qui sont installés ici depuis quelques jours. Ils n'ont pas dû être déçus du voyage. Nous nous demandons comment la tente peut tenir dans un tel vent, c'est vraiment l'apocalypse ici, les rafales sont si fortes que Florence tient à peine debout et se retrouve même à plusieurs reprises projetée au sol. Nous sommes à 5700 m. Nous n'entendons même plus Fernando à 50 cm de lui. Cette fois il n'y a rien à faire, on fait demi-tour ! De toute façon, le sommet est dans les nuages, nous n'aurions rien vu. Nous prenons une photo souvenir un peu plus bas (en tenant fermement l'appareil) et c'est parti pour la descente !

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   C'est fou comme cette descente est rapide par rapport au temps mis pour monter. Juste le temps pour Florence de perdre un gant ! Décidément, vivent les élastiques autour des poignets pour éviter les pertes.

   Nous retrouvons le refuge où tous les groupes sont bien sûr rentrés : et dire que le mois de juin est censé être le plus propice à l'alpinisme en Equateur ! En tout cas aujourd'hui, pas une cordée n'aura été au bout.

   Nous sommes évidemment déçus de ne pas avoir pu voir ce sommet et ce cratère qui paraît si beau sur les cartes postales. Mais bon, au moins nous n'avons pas été trahis par nos jambes. Notre préparation et surtout notre acclimatation ont été excellentes : nous étions encore en forme à 5700 m. Cette expérience nous servira sans doute dans l'avenir.

   Désolés, le reportage manque un peu de photos mais c'était bien plus facile d'en prendre depuis le yacht aux Galápagos. En voilà juste une dernière, une fois les crampons déchaussés :

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Photos Equateur-Galapagos - Retour accueil - Livre d'or

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